GTX connection
Prologue. Le gang
5 avril
2008.
Moi c’est
Mike. Avec les potes, Paulo et Jeff, et quelques dizaines d’autres, on a un
petit gang qui marche pas trop mal du côté de la Ville
Rose. On a réussi à infiltrer tout ce qui compte : la politique, la
science, l’industrie, l’armée, l’économie… et on dispose d’avocats spécialisés.
Vous ne
nous connaissez pas ? Normal… Le genre malfrat has been avec Rolex, Ray Ban et chaîne en or sur un torse velu, c’est pas
nous, vous devez confondre avec la bande à Nico. Pour
faire du bon bizness, rien ne vaut la discrétion. Vous avez le mot de passe et
je prends le risque de vous affranchir. Alors continuons les présentations.
Paulo,
c’est notre boss. Pas Paul l’Albigeois ni quelques autres Paul des
environs ; non, là je vous parle bien de « Paulo la Science »
alias « le Docteur ». Il porte souvent un nœud paps,
ça montre qu’il est docteur. Il dirige le gang depuis plus de deux ans et comme
il connaît personnellement la moitié de la planète, et que c’est la bonne moitié,
ça facilite bien les choses pour nos activités.
Ensuite,
Jeff, notre golden boy, le coffre-fort ambulant. Un balèze ! Quand il
s’approche avec son petit sourire en coin et sa liste pleine de noms et de
petites croix, il y a jamais un type pour discuter.
Chacun allonge le montant annuel de la « protection » et les petits
suppléments mensuels ; nous on préfère parler de cotisation ou de droits
d’inscription. Des fois que la brigade financière vienne fourrer son nez dans
nos comptes… Comme dit Paulo, pas de risques : le grand Al (Capone, pas
Einstein) est tombé pour fraude fiscale.
Moi je
travaillais surtout en solo jusqu’ici et je suis presque un nouveau dans le
gang : j’ai pris la suite de Marco qui a préféré se mettre au vert quelque
temps. Des Mike, il y en a une flopée, moi c’est Mike la plume. La plume ça me
fait rigoler quand je monte sur la balance ! Ce n’est pas celle qu’on se
met au chapeau ou ailleurs, c’est celle qu’on trempe dans l’encrier. J’ai gardé
le surnom mais ça fait longtemps que je suis passé au clavier. Mon arme
préférée c’est le Win-XP et suivant les missions, je
l’équipe avec Word, Excel et souvent Outlook pour augmenter la portée. C’est
propre, précis, et il n’y a pas de taches sur le costume.
Hier soir à
la réunion du gang, dans l’arrière-salle d’une auberge confortable, un camarade
nous a parlé de la concurrence. Un vrai fléau. Déjà qu’on avait du mal à
maintenir notre territoire, mais il paraît que les juges encouragent la
délation avec des mesures de clémence, comme aux States ou en Italie. C’est pas des méthodes. Heureusement que Paulo contrôle bien
l’équipe et qu’on connaît toutes les adresses des familles, une sacrée
assurance contre ceux qui voudraient lâcher le morceau.
Jeff avait
négligemment posé deux paquets sur le bar en me faisant un clin d’oeil.
Personne ne s’y est intéressé et quand nous nous sommes dispersés, j’ai
discrètement récupéré la livraison, rapidement vérifié la qualité et l’ai transportée
avec ma bagnole. Retour prudent : j’aurais pu semer n’importe quelle
patrouille avec mon moulin supergonflé, mais encore
une fois, pas de risque. Surtout pas avec ça dans mon coffre !
Après une
nuit passée à gamberger, j’ai commencé à évaluer plus sérieusement la
marchandise. Vous ne me croirez pas, mais il y en avait 11 kilos. Oui : onze !
Avec différents types de produits, allant des factures ou relevés bancaires a
priori sans intérêt (quoique…) jusqu’aux grands crus de qualité exceptionnelle :
les fameux petits carnets de comptes avec souvent les noms et les dates de « cotisation »,
et le détail des dépenses du gang. J’ai relevé au passage le nom d’un ministre
de l’Intérieur. Un remake de Clearstream, à l’échelon
local, mais moi ça me suffisait.
Bref à
force de mettre la pression à Jeff, j’avais récupéré les archives de la GTX connection. Le traitement allait réduire énormément la
quantité, mais permettrait d’aboutir à un matériau jamais vu. Et ça valait de
l’or ! Tout cela allait prendre
beaucoup de temps. Du temps j’en avais mais quand même… il faudrait que la vie continue
pour ne pas éveiller les soupçons de mon entourage.
Une
livraison mensuelle, disons jusqu’à la fin de l’année, me permettrait
d’engranger un sacré magot, ni vu ni connu. Jeff ne cafterait pas et même Paulo
n’était pas dans ce coup-là. Après ? Les statuts du gang, l’association
comme on dit, prévoyaient que ce serait une autre troïka dirigeante ; il
valait mieux profiter de la situation.